Sans titre apparent

(...) Les photographies de ce livre sont protégées contre ce type d’entraves, car elles appartiennent à la catégorie d’images à propos desquelles il s’avère extrêmement difficile d’écrire en termes d’essai critique. Mais ce n’est pas cette qualité qui surprend le plus. Ce qui est véritablement paradoxal, c’est que ce sont elles qui te parasitent. Elles se cachent dans un coin de ta mémoire et un beau jour tu te trouves régurgitant des scènes qui se sont passées sur une plage où tu n’es jamais allé. Tu revis l’euphorie des espaces ouverts, tu sens à nouveau l’humidité et la chaleur du soleil collées sur ta peau comme de fins grains de sable. Tu cours et tu nages jusqu'à ce que la fatigue t’oblige à t’asseoir sur la rive auprès d’amis que tu n’as jamais connus.

On s’approche de ces photos mal protégé. Confiant en leur apparente innocence. En partie avec l’excitation de qui s’aventure à fouiller dans le journal intime d’une personne proche ; en partie avec la frustration de pressentir dès la première photo que tu ne vas découvrir aucun secret morbide ; ou peut-être si. Nous entrons dans une maison dont toutes les portes sont ouvertes. Les mystères sont d’une dimension si subtile qu’ils paraissent une conséquence plus qu’une intention.

Ces haïkus d’argent émergent sans rendez-vous préalable et, en une fraction de seconde, te laissent stupéfait. Ils sortent du silence comme des lucioles diurnes. Ils volent anarchiquement entre nos souvenirs. Ils se posent sur quelque vision endormie par le temps et l’illuminent en un instant fugace, mais insuffisant pour la reconnaître. Ensuite, ils disparaissent dans l’avenir.

Alejandro Castellote
Extrait du texte pour le livre
: El fondo. Ed. Mestizo y Centro de las Artes de Alcorcón. Murcie, 1996.

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