Une photographie de plus

(…) Ces photographies  résolument imparfaites  confèrent une forme de visibilité à la durée. Ce qui intéresse Oscar Molina, c’est, selon son expression, le « moment intersticiel» de la prise de vue. Il faut sans doute comprendre par là qu’il cherche à saisir l’instant durant lequel rien d’important ne le retient, car aucun événement majeur ne se produit. Le paradoxe n’est que d’apparence. Le photographe aime faire référence à la musique : certaines de ses images montrent un intervalle, tel celui qui existe entre deux sons et auquel l’amateur ne prête pas véritablement attention. La succession temporelle est de règle pour les diptyques et triptyques, assez fréquents dans l’œuvre de Molina. L’intervalle est parfois visiblement très bref, lorsqu’il y a unité de lieu. En revanche, d’autres images présentent de tels changements – de sujet, de cadrage, de point de vue, etc. – qu’il est bien difficile d’apprécier l’écart entre les différentes prises de vue. Autrement dit, le moment intersticiel apparaît tantôt comme ce qui sépare les clichés, tantôt comme ce qui les relie. Dans les deux photos légendées  Petite histoire du temps (p. 162) (qui n’est pas un diptyque), sommes-nous certains de retrouver mentalement la durée qu’il a fallu à ce bateau-mouche pour disparaître de l’objectif ? (...)

Natacha Pugnet
Texte pour le livre: Fotografías de un diario. Caja San Fernando. Séville, 2004.

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